Nuances de fluorescent : Jouer avec la police mexicaine

Ce dimanche de novembre, je quitte Cancun (Mexique) pour San José (Costa Rica), où je dois retrouver ma mère que j'ai invitée de Paris pour que nous puissions voyager ensemble pendant 3 semaines au Costa Rica et à Cuba.

Juste avant l'embarquement, un membre du personnel de la compagnie aérienne me demande de me soumettre à des contrôles de sécurité supplémentaires auprès de la police douanière mexicaine. N'ayant rien à me reprocher, j'accepte sans sourciller.

Je suis interrogé par une policière qui veut en savoir plus sur mon voyage, mon séjour au Mexique, mon projet pour le Costa Rica etc... les conneries habituelles. Ce n'est que lorsqu'elle me demande de poser mon sac sur la table pour procéder à une fouille que je commence à changer de couleur. Une pensée me traverse l'esprit. Pas une bonne. Je me souviens que j'ai encore des pilules d'ecstasy dans mon sac. Pas beaucoup, 7 ou 8. Mais certainement assez pour que le cher policier en face de moi me fasse rater mon vol. Ce qui est tout simplement impossible ! Il est hors de question que ma mère reste seule à l'aéroport de San José, sans nouvelles de moi, sans savoir où aller, sans argent et sans connaissance de la langue. Ce n'est tout simplement pas possible et cela n'arrivera pas !

Putain de Shane ! Un mec super sympa rencontré à Austin (Texas) quelques semaines plus tôt. Il m'a hébergé quelques jours, on a fait des trucs très cool ensemble, il m'a fait visiter la ville, m'a présenté à ses amis, à des filles, etc. Un gars super accueillant que je n'oublierai pas ! Quand je suis parti, Shane a insisté pour m'offrir quelques pilules comme cadeau souvenir de sa part, et il ne tarissait pas d'éloges sur leur qualité. Le fait est que je ne me drogue pas. Je veux dire que j'en ai essayé plusieurs et que je plane de temps en temps, mais je suis loin d'être une junkie. Je n'en ai donc pas mangé une seule pendant le reste de mon séjour aux États-Unis. En fait, ces pilules ont déjà voyagé des États-Unis au Mexique, sans être découvertes. En effet, à mon arrivée au Mexique, j'ai trouvé dans ma valise la fameuse note laissée par les autorités américaines lorsqu'elles ouvrent vos bagages et vous avertissent qu'elles ne sont pas responsables en cas de dommage ou de perte. Cette note avait été laissée tout près des pilules. Les idiots.

Quoi qu'il en soit, les circonstances semblent un peu plus compliquées aujourd'hui.
Pour être honnête, je ne m'inquiète pas particulièrement de ma propre situation. Je ne pense pas que quelques pilules d'ecstasy puissent me causer trop d'ennuis dans un pays comme le Mexique, où ils ont des poissons bien plus gros à attraper. Dans le pire des cas, quelques nuits dans une prison mexicaine ne me font pas spécialement peur.

Ce qui m'effraie le plus, c'est la photo de ma mère laissée seule à l'aéroport de San José. Cette vision de ma mère vieillissante attendant des heures à l'extérieur d'un aéroport à l'autre bout du monde, ne sachant que faire ni où aller, abandonnée par son propre fils, me remplit de honte et de chagrin. Je ne peux pas laisser ce cauchemar se réaliser.

Il est donc temps pour moi d'utiliser mes capacités intellectuelles et mon sens de la manipulation. Je commence à réfléchir à l'histoire que je vais raconter à la policière, au ton que je vais employer, aux blagues que je vais faire... Tout ce que je peux faire pour qu'elle arrête sa putain de fouille !

Les pilules roses sont placées dans un sachet en plastique transparent contenant des bouchons d'oreille vert fluo, ce sachet se trouvant lui-même dans ma trousse de voyage Air France avec une brosse à dents, une crème hydratante et un masque de sommeil. Mon objectif est qu'elle n'atteigne pas ce sac en plastique transparent.

La policière semble avoir une quarantaine d'années. Originaire du Mexique, elle a probablement au moins 4 ou 5 enfants. En tant qu'officier de police, elle ne gagne probablement pas grand-chose. Avoir un de ses fils qui l'invite à voyager à travers le monde est probablement un rêve pour elle. Des idées préconçues et racistes ? Je sais. Et je suis d'accord. Mais tant pis, j'y vais à fond !

Pendant qu'elle fouille mon sac, je lui dis combien je suis heureux de rencontrer ma mère, j'exprime toute la joie et le bonheur que je ressens à l'idée de la revoir, de la serrer dans mes bras, de partager des moments avec elle, après tant de mois passés loin l'un de l'autre. Je lui parle de notre relation mère-fils et je parle comme si j'étais le meilleur et le plus aimant des fils au monde. Mais surtout, je ne la quitte pas des yeux. Je la regarde droit dans les yeux, j'y plonge profondément, en essayant d'attirer toute son attention et de la distraire de sa tâche. Je fais des blagues, je la fais sourire.

Et j'ai l'impression que ça marche. J'ai l'impression que plus je lui parle, plus l'idée de trouver de la drogue ou un objet suspect dans mon sac s'éloigne de son esprit. Mais cette garce est très professionnelle. Trop professionnelle. Elle continue de regarder et se rapproche.

Elle s'est maintenant emparée du kit de voyage d'Air France et l'étudie. Mon cœur s'arrête de battre lorsqu'elle prend le petit sac en plastique transparent (avec les bouchons d'oreille et les pilules à l'intérieur) de la trousse de voyage. Ça y est, je suis foutu. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir inventer pour qu'elle me laisse partir ? Mon cerveau fonctionne à plein régime et les idées fusent.

Mais tout s'arrête quand elle prend la pochette en plastique juste entre nos paires d'yeux respectives. Je vis ce moment au ralenti et j'ai l'impression qu'il n'y a qu'elle, les bouchons d'oreille vert fluo, l'ecstasy rose et moi. Tout autour, c'est un immense vide noir, il n'y a plus de bruit, le temps s'est arrêté. Je ne vois que ces petits morceaux de mousse vert fluo et ces petites pilules roses, qui semblent encore plus visibles dans cette obscurité totale. J'ai perdu mes capacités cérébrales, je ne pense plus. Je suis juste très inquiète. Pauvre mère.

La pochette en plastique disparaît progressivement de ma vue, au fur et à mesure que la policière la pose sur la table. La lumière revient, le bruit aussi, l'environnement extérieur reprend le dessus. Les choses reviennent à la normale. Sauf une chose. Une chose très importante. La pochette est sur la table et la policière continue de regarder dans mon sac. Qu'est-ce que c'est que ça ? Cherche-t-elle autre chose ? Pourquoi ne dit-elle rien ? Parlez plus fort, bon sang ! Dis quelque chose, putain !

Mais elle ne le fait pas. Elle continue à fouiller mon sac. Je me concentre maintenant sur la pochette en plastique laissée sur la table et je ne parle plus. Je commence à penser qu'elle n'a peut-être vu que du feu. Mais les pilules sont là, bien visibles pour quiconque s'intéresse au contenu de mon sac sur la table. Et beaucoup de gens devraient s'y intéresser. J'ai affronté la policière seule, mais beaucoup de ses collègues se tiennent ici, derrière elle et autour de la table.

Les secondes qui suivent semblent une éternité. Jusqu'à ce qu'elle dise : "D'accord, ça me va. Je vais te laisser ranger tes affaires si ça ne te dérange pas".
"Cela ne me dérange pas", réponds-je.

J'attrape immédiatement la pochette en plastique et la jette dans mon sac. En rangeant mes affaires, je n'en reviens pas. Comment se fait-il que je m'en sorte si bien ? Quel miracle !

Dès que j'arrive sur mon siège, je ne pense qu'à une chose. Me débarrasser de ces foutues pilules ! Une chose est sûre : Shane avait raison, même sans avoir goûté à son produit, il m'a fait vivre de sacrées émotions !

J'attrape donc le sac en plastique qui se trouve au fond de mon sac et je me dirige vers les toilettes pour les jeter. Ce faisant, je remarque que toutes les pilules d'ecstasy s'étaient glissées d'un seul côté du sac en plastique lorsque je les y avais mises. Et sur le côté droit ! Comprenez-moi bien, toutes les pilules ont glissé d'un SEUL côté. Selon le côté où l'on regardait le sac, on pouvait voir toutes les pilules coincées entre les bouchons d'oreille d'un côté, ou juste les bouchons d'oreille de l'autre ! Lorsque la policière a sorti le sac et l'a regardé, j'ai pu voir toutes les pilules, alors que de son côté, elle n'a pu voir que les bouchons d'oreille !

PUTAIN DE BÂTARD CHANCEUX !!!

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